Intervention de Ilyas Nacif, ancien élève de SEGPA de la Chartreuse
Intervention réalisée auprès des élèves de 3ème SEGPA.
« Je suis sorti de la classe de 3ème en 2009. A ce moment là, on n’avait pas bien confiance en nous, on pensait que ça ne valait pas la peine de continuer après, car on pensait qu’il n’y avait que le chômage pour nous. Et puis on a écouté nos profs.
Personnellement, je suis parti en CAP ATMFC (Agent technique en milieu familial et collectif) à Anne Marie Martel. Ce CAP permet d’aller travailler dans les hôpitaux, maisons de retraite et dans les familles. On avait la boule au ventre car avec mes camarades issus de la SEGPA, on pensait ne pas être capables de réussir un CAP. Il y avait un esprit de solidarité entre nous. On s’était rendu compte qu’on avait un gros avantage par rapport aux autres élèves de 3ème de collège, c’est qu’on avait de l’expérience professionnelle grâce à nos stages. On savait se présenter, on connaissait ce qui se passe en entreprises. On savait écrire des lettres et faire des CV grâce aux cours de PSE. Donc, on se concentrait davantage sur les cours de matières générales. On nous disait « votre CV est bien rempli. Comment ça se fait ? » Des camardes nous demandaient des conseils pour les formuler et les écrire. Dans ce CAP, l’atelier cuisine a joué en notre faveur car on connaissait les règles d’hygiène et de sécurité ainsi que les gestes. On relisait nos cours avant de regarder la télé. Il faut toujours avoir compris ce qu’on a fait dans la journée.
Après le CAP, plusieurs possibilités. Moi je suis rentré en Bac Pro SMR (Service en milieu rural) à Yssingeaux. On nous laissait notre chance pour faire nos preuves. Avec ce Bac Pro, on fait du service à la personne à la campagne. On peut travailler comme aide à domicile, dans les crèches, à la médiathèque, mairie, office de tourisme. Les CCF (Contrôles continus en cours de formation) et les épreuves terminales, ça fait stresser. On se remet en cause tout le temps. L’esprit de groupe aide beaucoup, les coups de mains, les échanges. Moi j’avais le complexe de l’âge car j’avais 20/21 ans en bac pro. J’avais redoublé 2 fois au primaire. J’ai eu mon Bac Pro.
Alors j’ai décidé de poursuivre en BTS DATR (Développement, Animation des Territoires Ruraux), à Yssingeaux. On devient plus professionnel. On travaille sur le développement économique d’une commune, dans le tourisme. Il faut travailler, relire les cours. Les profs ne sont pas contre nous, ils sont avec nous. Il ne faut pas avoir peur des groupes.
Pendant mon BTS, je pouvais faire un stage à l’étranger. J’en ai profité pour faire un projet au Maroc avec une classe primaire. J’avais pour but de parler de la culture. La culture c’est vaste. Je travaillais avec une association qui faisait de la poésie - liens multi culturels entre la France et le Maroc grâce à la poésie - Liberté/égalité/amour/solidarité. C’était une grosse fierté. J’ai obtenu mon BTS.
Tout le monde y a accès. Par exemple, moi au collège, j’allais au cinéma toutes les semaines et je regardais des émissions culturelles à la télé.
Ensuite j’ai fait un service civique dans une école. Je gagnais 570 € pour 24 H par semaine. Et au printemps, j’ai passé le concours de Moniteur-éducateur. J’ai eu celui de Lyon. C’est un oral quand on a le Bac et le plus pour moi, c’est qu’il y a des entretiens et c’est grâce à la SEGPA que j’ai réussi. On a regardé mon défi, ma motivation. Celui qui faisait passer les oraux m’a écouté raconter mon histoire. J’ai galéré dans la vie, j’étais même suivi par un éducateur de rue. Mais là, on m’a écouté. J’ai trouvé un employeur pour faire ma formation en alternance ; je suis au Foyer des Gouspins. Donc je passe 2 semaines à Lyon en formation puis 3 semaines aux Gouspins. En formation, l’âge n’a plus d’importance. Avec moi il y a des jeunes de 20 ans mais aussi des personnes de 40/50 ans en reconversion. J’ai le statut de Moniteur-éducateur. L’âge ne veut rien dire quand on est motivé.
Pour réussir, il faut regarder d’où on vient. Malgré les difficultés, le comportement ; il est important d’être solidaire dans un groupe, c’est ce qui permet de réussir. Quand on n’a rien, mais qu’on a la motivation, on réussit. ACCEPTEZ-VOUS et ça marchera. Il faut lire, se renseigner, plus on passe les niveaux, plus on nous demande des choses sur l’actualité. Il faut travailler le français c’est indispensable et les maths pour combler les lacunes. Plus tu travailles, plus tu feras quelque chose qui te plaît. Le diplôme c’est le diplôme, mais faire quelque chose qui plaît c’est génial. Il faut bosser, bosser. Tu peux pas t’en sortir au talent, on peut rigoler en bossant.
Il ne faut pas se laisser abattre, il ne faut jamais renoncer. Même au plus bas, il faut faire le point avec soi-même, avec les copains, la famille, des adultes qui ont de l’expérience.
Il faut respecter les horaires, la tenue, les autres, les consignes ; c’est la base de la base. Quand on fait des entretiens, il faut se dire que la personne en face de nous va nous donner notre chance, il ne faut pas la décevoir. »
Puis Ilyas a répondu aux questions des élèves. La confiance en soi, aux adultes, le travail, la motivation ; tous ces mots qui le font avancer. Il dit qu’il en est là parce que les professeurs de la SEGPA ont cru en lui et l’ont poussé car il aimait s’amuser. Il leur a dit de ne pas se comporter différemment des autres élèves surtout dans la cour, de respecter les règles, le règlement.
Des précisions sur le Bac Pro SMR qui est devenu le Bac Pro SAPAT (Service aux personnes et aux territoires). Il a dit aussi qu’on peut être AMP (Aide Médico psychologique) après le CAP puis on peut passer le concours d’aide-soignant.
Plein d’entrain mais aussi se souvenant très bien du temps passé dans la SEGPA, sans moral, c’est un message d’espoir qu’Ilyas a apporté en insistant sur le « travail ce qui n’empêche pas de s’amuser et de faire des soirées, mais après le travail ». Avant de finir, il précise qu’un autre camarade a obtenu un BTS ANABIOTAC (Analyse biologiques) et travaille dans un laboratoire d’analyse médicale. Merci pour ce beau témoignage.